Renaissance

Le 9 février, elle aurait eu 80 ans.

Il y a deux ans, nous l'accompagnions tout près. Derrière le portail du cimetière du père Lachaise. Là où on aperçoit, au loin,deux hautes cheminées qui se dressent.

Pour fêter son anniversaire sans elle, je suis allée à la rencontre d'Angelina Liddell, la seule artiste qui peut m'accompagner dans mon parcours de deuil.  Elle aussi à perdu sa mère en 2018. Nous n'avons pas la même histoire, ni la même culture, mais ses sentiments sont proches des miens. Je savais que j'allais retrouver des morceaux du puzzle dans son spectacle.

Ma mère m'a déjà accompagnée pour assister aux spectacles d'Angelica Liddell. Elle ne restait pas insensible à son expression, même si parfois elle etait derangee, La langue Espagnole etait là,  et ca lui parlait. Ma mere parlait bien cette langue, car elle avait passe de nombreuses vacances familiales en Espagne.

Ce soir, Angelica, seule vivante sur scène, entouree de formes fantomatiques , nous crie sa douleur et nous déverse ses larmes. L'amour et la haine se côtoient. La culpabilité transpire dans les interstices de ses mots. Je sais bien ce que c'est. Ma mere, je l'ai aimée et  detestee a la fois. C'était une présence, a qui je disais presque tout, tout en étant dans une retenue. Je crois que je la craignais. Elle m'effrayait un peu quand j'etais petite, Elle prenait toute la place et, sans le savoir, elle m'empêchait de m'epanouir. Mais je la prenais comme elle était, sans porter de jugement. J'étais un peu comme ces fantômes  qui sont sur scène. Dans l'ombre, muette, immobile. Observatrice, sans bouger le petit doigt.

L'histoire de l'Espagne accompagne Angelica, la musique Flamenca illustre sa douleur. Je retrouve cette notion de sidération, dans la perte de sa mère. Comment on retourne à l'état animal à vouloir gratter la terre pour rechercher une trace, une odeur. Surpris à regarder le ciel qui nous surplombe, portant l'âme de l'être cher. Elle respire autour de nous et emplie l'air. Elle vit à travers le corps de son enfant. Une nouvelle naissance éclate. De la mère nee la fille. A la mort de  la mère , née la fille devenue mere qui sera la prochaine a mourir. 

Angelica se laisse encordee  en amarre Christique. Elle va danser, tournoyer, saluer à genoux chaque forme assise, sans un mot, elle résiste à la douleur.Sa cage thoracique bloquée, les cris de l'introduction semblent ravales, sacrifiés, remplacés par le chant d'un homme qui entonne, pendant de longues minutes, une hymne à la vie/à  la mort. Il semble passer les differents stades, de la naissance, du developpement du bebe, de l'apparition du langage, des doutes, de la colere...

Les cordes serrées tombent, délivrées par le bourreau sans visage. Et la danse peut commencer! Le corps nu se libère. Le folklore ancestral jaillitdans les tenues sombres ou colorées. 

L'Europe naissante porte le cercueil de la résurrection, dirigé vers de nouvelles aventures. Une file indienne, de personnes mal voyantes, nous guide vers la lumière. Elle est dirigée sur le corps d'une femme enceinte, celle qui porte le renouveau. Aveugles nous devenons clairvoyants, vivants.

La danse sert d'exutoire. Les pieds commencent a bouger timidement dans des pas connus, traditionnels, pour laisser place à une expression plus personnelle et créative. Les mains s' ouvrent. Au bout les griffes se  prolongent et s' agitent. Les jambes s' écartent, se lèvent et sautillent joyeusement.

C'est la renaissance après la mort, qui virevolte dans sa robe et son voile noirs. Au final, le jeu d'enfant du Coucou si spontané apparaît." Ou es tu?Même pas mort!"Et Hop une pirouette!

En fin de soiree, la croisee de Sophie Calle, une coupe de de champagne avec Julot, quelques larmes qui se transforment en sourires devant l'objectif d'un photo maton. La vie est pleine de surprises!

Sylvie Lefrere

" MOTHER" d'Angelica Liddell au théâtre La Colline à  Paris du 18/01 au 9/2/20.