Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 21:58

Ce matin, dimanche. Mon réveil sonne. Je me rendors et 30mn avant la performance annoncée de François Rascalou, je saute dans le tramway.

Un soleil écrasant m'accueille à la station St Paul. Je suis  déjà, comme  en Algérie

Je traverse le parking à la recherche du spectacle, quand tout à coup j'aperçois un homme, vêtu d'un tee-shirt jaune, poussant bruyamment un cube de bois rouge. Les couleurs ont toutes leur importance car plus tard elle se révèleront comme un rubis-cube, dans ce décor de galerie marchande à ciel ouvert.

Nous sommes dans le sud, pas de doute. Un groupe de personnes est assis à une terrasse, à l'ombre d'un pin. Autour les habitants circulent, affairés dans leurs achats de pain, de viandes et autres. D'autres flânent devant un thé à la menthe, mêlés aux spectateurs.

Le danseur commence à déclamer son texte. Il nous parle de la guerre d'Algérie. De questionnements d'un fils sur le rôle de son père pendant cette période. Je repense au film" Méditerranées" d'Olivier Py, sauf que là, l'image est en direct et que la voix off est représentée par un artiste de chair.

Nous le suivons dans ses déambulations, à l'ombre des coursives qui distribuent les commerces.

François danse et  y croise des hommes de tous âges, des femmes et des enfants. L'écoute vient surtout des hommes et des enfants, filles ou garçons.

Nous sommes non seulement spectateur d'un spectacle vivant, mais également observateur d'une vraie rencontre entre l'artiste, son texte et son corps, et le public de l'instant, spontané.

 Des moments uniques se révèlent : Par exemple, un homme passant avec son fils, qui avait peur, il lui répond qu'il n'a rien à craindre et prend l'espace en  parlant de Constantine,la ville,  où sur la place il y a une grande fontaine et où  l'eau y est fraîche.

La poésie spontanée de cet homme vient faire écho . Il s'est inscrit dans le jeu, cote à cote avec l'artiste. Il venait acheter son pain et tout à coup le texte l'a happé sur son histoire et a réveillé sa propre mémoire, de telle façon qu'il a eu le désir de s'exprimer et de transmettre, à son enfant, ses souvenirs. J'aimerai connaître l'après; quand ils sont rentrés chez eux....Que se sont ils dit?

Un autre homme en voyant le danseur rentrer dans la boucherie , en bougeant ses bras, son corps et passer derrière le comptoir avec les bouchers , dit " Mais QU'est ce que C'est que ce délire?"Et je lui répond" Oui, c'est un délire , regardez et ensuite vous aurez votre propre lecture; vous verrez" Et ce spectateur réactif est resté dans le parcours, silencieux, le regard attentif.

D'autres riaient , amusés, parlaient de ce qu'ils voyaient. 

Tout à coup, ce petit centre commercial devenait un lieu de convivialité et de création co- constructive.

La chorégraphie s'harmonisait spontanément, avec ces promeneurs du dimanche. Des hommes adossés contre le mur entre le danseur, se sont distanciés au même moment, à gauche et à droite. J'ai eu l'impression que le texte les avait  fait réagir et que l'éloignement leur était nécessaire. François exprimait le souvenir des cauchemars d'enfants, qui durent depuis 30 ans; cela leur était  t'-il  insupportable?...

 

François Rascalou, dans la puissance de son texte bâti sur des témoignages qu'il a collecté, nous a présenté une performance unique.  Il était en fusion totale  avec ce public impromptu. L'interaction a rayonné tout au long de son parcours; l'écoute, le souvenir, la curiosité, l'émotion jusqu'aux larmes,  étaient à ce rendez vous.

Le danseur a pu puiser sur le partenariat avec le public, acteur, levier des mots de cette histoire. De leur histoire de mémoire collective. Un véritable lien a pu se créer.

 

Je me suis prise à rêver de manifestations de cette qualité, un dimanche par mois, dans tous les quartiers, pour créer un bien vivre ensemble dans la cité. Une manifestation comme celle ci devrait sortir de l'événementiel et alimenter des réflexions sur ce que procure ce plaisir partagé, qui suscite les questionnements et provoque de vraies rencontres.

 

Sylvie Lefrere

" Les fils des hommes" de François Rascalou, dans le cadre de Motifs d'évasion à Montpellier dans le quartier St Paul.

25 juin 2012
rascalou.jpg

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Vent d'art
  • : Échanges autour de différentes formes d'arts.
  • Contact

Recherche

Liens