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6 juin 2017 2 06 /06 /juin /2017 08:59

Découvrir la richesse c'est aussi aller voir ailleurs...Merci au Printemps des Comédiens de s'ouvrir jusqu'au Parc de Gramont. Nous quittons le Domaine D'ô, troquons les grands pins pour d'autres grands arbres, Cèdres et Micocouliers. Pour les Montpelliérains citadins que nous sommes, quel plaisir de retrouver à quelques minutes du centre ces havres de verdures et de calme.

Ce soir, je me déplace pour la dernière création de Sylvain Creuzevault. C'est un homme pour lequel je ferai des kilomètres. La dernière fois c'était en hiver, à Alès pour voir " Le père Tralalère", dont je me souviens encore. Un théâtre vivifiant à la mise en scène créative et déjantée.

Pour cette nouvelle création, la photo choisie pour le programme du festival laisse deviner la beauté des scènes. Elle est digne d'un tableau de Hopper, entre mélancolie du personnage dans sa solitude, et clair obscur.

Angelus Novo antiFaust nous fait pénétrer dans plusieurs jeux de joutes. De façon très linéaire et frontale, nous retrouvons les prises de pouvoir dans la communication. Nous rions et pensons à de nombreuses situations vécues, professionnelles, amoureuses, familiales. 

Sylvain Creuzevault a cette faculté de toucher notre intime. On se sent addict à chaque injection jusqu'à planer intérieurement. Tout en suivant la scène notre esprit divague en parallèle. Dans cette jeune conférencière nous revoyons le poids de la hiérarchie qui veut toujours avoir raison. Nous retrouvons l'amie bavarde qui veut toujours être en avant , envahissant l'espace et ne laissant la place à personne. La séductrice un peu mante religieuse qui ne laisse aucun échappatoire à sa victime désignée...Face à ce tandem, sur le plateau transformé en laboratoire aux volets de cour de récréation, un père et sa fille se jouent du savoir et de la transmission. Qui sera le plus fort? Jean De La Fontaine l'avait bien dit " on a toujours besoin d'un plus petit que soi..."La pertinence de la jeunesse est bien là, dans ses grands yeux prêts à embrasser le monde!

La scène suit cette dynamique. L'éclairage et le pivot de quelques panneaux nous entrainent dans des forêts, des rivières, en nous faisant voyager et changer de niveau notre regard. Nous scrutons la moindre fente de lumière, saisissons le beau de l'épure.

Des références littéraires et sociétales explosent en petits feux d'artifice pour nous éblouir devant l'opéra d'une chrysalide. Qui est elle? De sa langue allemande, une représentation de l'Europe? Les acteurs des nuits debout?...

« Il existe un tableau de Klee qui s'intitule Angelus novus. Il représente un ange qui semble avoir dessein de s'éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. Tel est l'aspect que doit avoir nécessairement l'ange de l'histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d'événements, il ne voit qu'une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d'amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si forte que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l'avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu'au ciel devant lui s'accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès1. »

— Walter Benjamin, Thèses sur la philosophie de l'histoire

Dans le tableau final nous sommes témoins de la naissance d'un papillon tournoyant aux accent de statue de liberté. Les grandes ailes sont déployées pour nous accueillir, bienveillantes, protectrices, devant tous les dangers qui nous entourent, le rapprochement des diables aux  sabots pesants. Nous sommes face à un chantier où tout est à recréer. On observe l'esthétisme naissant et la volonté qui se dégage. 

Les nouveaux anges sont les héros attendus. 

Sylvie Lefrere

" Angelus Novus AntiFaust" de Sylvain Creuzevault du 2 au 4 juin 2017, au Printemps des Comediens à Montpellier.

 

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