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13 octobre 2012 6 13 /10 /octobre /2012 00:08

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Nous sommes une vingtaine de personnes, à nous être retrouvés ce soir, dans la salle de " La Baignoire" 

La lumière d'une bougie éclaire le visage du comédien . Il tient un livre dans ses mains.

Une ambiance de recueillement s'installe dans ce garage réaménagé, et le transforme en Chapelle.

On entend les estomacs gargouiller  sourdement,  Il est 19h et un vent frais souffle...Je me sens un peu Gépétto à l'intérieur du ventre  de la Baleine...Le bruit des voitures qui passent, gronde comme l'orage; Les conversations des piétons résonnent comme celles des gardiens des camps.

Où sommes nous? L'odeur de la mort suinte le long des murs. La shoah transpire.

Ils sont deux ,dans la clarté mouvante de la flamme: Le père et le fils. Comme un tableau de Caravage...

Qui nourrit qui?Les rôles semblent inversés. Un fils nourrit son père et lui demande de se taire, comme dans un acte d'autorité adressé à un enfant.

Je vois les baraquements des camps, les grillages, les tours de garde et la foret autour.Traversée , elle ouvre tous les possibles.

Dans le fond de la pièce, légèrement recroquevillée, l'ombre de David se dessine. Il nous tourne le dos , pivote, s'approche, et rythmera ainsi la lecture par ses allers et venues. IL tord son livre pour le rapprocher de ses orbites et mieux décortiquer les mots. Mais ce texte le lit -il?, ou le connaît- il par coeur.? Ces phrases, il les a écrites; elles sortent de ses tripes. David est un écorché vif.

Il y a quelques années son texte, sur la skyzophrénie, lu dans ce même lieu, par Bela Czupon et Hélène De bissy , m'avait déjà  profondément marqué. 

L'intimité de cette salle accompagne particulièrement les textes , et produit une réelle émotion unique , à chaque représentation.

Je me souviens également de Lise Boucon, lors du texte religieux " Le cantique des cantiques".Une lecture imprégnée de grâce ...

Ce soir, nous, spectateurs, sommes particulièrement attentifs. Tous nos sens sont sollicités: L'écoute, le regard, la respiration.

Lentement , l'inexorable, nous avance dans le temps.

Les injures du soldat sur le fils, puis les coups de feu qui le fusillent nous rattrapent. Où sommes nous? Les camps hier , et aujourd'hui? La violence n'est elle pas toujours aussi présente? La peur de l'étranger ne persiste t'elle pas?

Pauvre! La société des pauvres, des migrants en marge, des crèves la faim...Les années quarante ne sont pas si loin.

Et je prends peur entre les murs blancs et gris de ce garage. Je me sens comme en temps de guerre, obligée de me terrer, pour me protéger.

Les camps de la mort sont remplacés par les camps de la mer, à la charnière des frontières. On y entasse tous ces migrants, exclus, en attente, dans des baraquements à Calais, ou en Italie....

Les bourreaux sont les même; homme ou femme. ils prennent le pouvoir à travers leur poid de grossièreté langagière, et leur prothèse armée au bout de leur moignon.

Ce fils, ce père, Benjamin, vivants ou morts, nous les reconnaissons.

A la fin, quand la bougie s'éteint, les spectateurs retiennent leur souffle,  pour ne pas éteindre leur espoir de monde meilleur.

Merci David, pour la force de construction de ce texte engagé, politique, qui nous a fait descendre dans le puit de nos abîmes intérieures.

 

Sylvie Lefrere

"Père et fils" de David Léon à la Baignoire le 12 et 13.10.2012.

 

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