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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 16:04

 

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Cette année, le printemps des Comédiens laisse toute la place aux femmes.

Tout d'abord en arrivant de la ville, nous basculons dans un autre univers, celui du doux végétal du domaine d'ô.

Nous prenons de la hauteur, en quelques minutes. De notre quotidien, nous nous évadons pour rejoindre ce festival. Si proche, et qui nous emmène si loin.

Dés l'accueil, dans la magie du lieu, nous attendent les petites fées, Marie, Isabelle, Anne lise, qui oeuvrent activement, créent du lien en permanence. On se sent attendu en tant que spectateur.

Dans une deuxième étape, nous traversons une construction ouverte, où des hommes et des femmes nous sourient. Ils nous invitent à parcourir les vignes du Côté Mas, pour laisser couler ses saveurs sous nos papilles . Légèrement grisés nous pouvons tourner les pages odorantes du vieux papier, dans l'espace librairie, en échangeant avec Laurent, bouquiniste chaleureux de «  L'air de rien ».

Les nourritures terrestres et intellectuelles se mélangent et nous laissent un goût de détente.

Notre confort est organisé partout. Suivant notre humeur, notre degré de fatigue ou de désir de convivialité, nous choisissons notre assise ; métallique côté jardin, en bois à l'ombre des grands pins, sur des coussins de canapé, ou un tabouret de bar.

La réunion des amoureux du théâtre est là ;  spectateurs habitués ou curieux, professionnels, sont dans des rencontres interactives. Les enfants ne sont pas loin et jouent. Les générations se retrouvent dans la fête de ce temps printanier, qui libère, après des mois de veille , les corps et la parole.

Sous les lumières multicolores je me sens sous un ciel protecteur, assurance de rêves à venir.

En descendant dans le parc, les guirlandes lumineuses nous guident dans l'obscurité, et notre esprit peut vagabonder. Nous sommes à l'écoute de la température ambiante, des cris des oiseaux ou des grenouilles, des bribes de discussions... C'est un cheminement, sur l'écoute de soi et de son contexte, dans le plaisir.

Oui, Le printemps sort de son sommeil, comme le dit l'article de Brigitte Salino dans le Monde.

Depuis 3 ans, nous sommes en éveil grâce à Jean Varela, son directeur, qui nous offre des propositions théâtrales ambitieuses et de qualité.

Cette semaine, deux femmes m'ont éblouies sur scène, Katelijne Damen et Valerie Dreville.

Elles sont de la même génération, et elles dégagent cette même élégance captivante.

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Personnage central d' »Orlando » de Guy Cassiers, Kateljine Damen, se tend comme la vigie d'un bateau et nous emmène dans son embarcation . Elle évolue comme une algue de fond sous marin. Nous naviguons dans un milieu trouble, ouatiné, où nous nous adaptons sans cesse. De la mer, nous traversons le musée de la vie et ses sentiments de pertes, ses transformations, ses évolutions. Nous suivons une douce tempête. Le texte en flamand nous anesthésie dans la beauté de sa langue et nous fait oublier les prompteurs. Parfois je saisis une phrase, qui claque par sa beauté, comme une vague arrivant par surprise.

La scène engloutit notre attention de façon globale. La comédienne est un caméléon charnel, au centre de ces jeux de lumières bleutées ou dorées. Nous sommes dans des temps anciens, à la lumière de la bougie, face à une conteuse et nous finirons dans l'esthétisme de l'univers des robes de soie sensuelles des danseuses de Pina Baush. Je navigue également dans les peintures de Klimt ou des formes nouvelles contemporaines, grâce aux panneaux que l'actrice fait glisser .

L'art est partout. Sur le sol, dans le ciel, dans l'air. Je brûle en parcourant ces étapes de vie. Une fois le spectacle fini, je reste interdite à côté de ma voisine, qui semble elle aussi sous le choc. Nous sortons de nos propres turbulences de spectatrices. Secouées comme après un vent fort. Le théâtre de ce soir nous a laissé naufragées sur la  plage de l'amphithéatre, et nous prenons notre temps propre pour revenir à la réalité.

Le lendemain, j'ai découvert Valérie Dreville dans «  Les revenants » d'Ostermeir. Elle se révélera à mes yeux, de minute en minute. Ses courbes épousent l'élégance du mobilier nordique. Ses relations avec les comédiens sont tendres et justes. Ce personnage de femme, mère, amante est d'une grande modernité. Elle a la force des amazones qui ne reculent devant rien, en bataille brillante, la passion mortifère des mantes religieuses, le sentiment protecteur et dévorateur des lionnes. Face à son pompier de fils, elle est prête à affronter toutes les foudres.

Ce texte nous révèle, comme des morceaux de puzzle, des images enfouies. Des revenants qui nous soufflent des secrets de famille. Nous ployons tels des roseaux. Des piqûres se font sentir. Mais la beauté du théâtre est de nous aider à éclaircir nos visions. Et les rhizomes de nos souvenirs circulent en une mémoire collective.

La pathologie de son fils, la sensualité de la jeune fille, la rudesse du père, la volonté de la mère, la faiblesse de l'homme... de leurs singularités, se pétrissent nos schémas affectifs et sociaux.

D'une terre d'origine, la pièce nous aident à nous guérir de nos propres démons et réveille nos amnésies.

De nos disparus, les revenants apparaissent comme des fantômes, en mouvement d'aller et retour. Le flottement de leurs robes caressent depuis mes joues, mais dans une bienveillance certaine.

Le théâtre, vent chaud qui mûrit le fruit de nos parcours de spectateurs.

En cette deuxième semaine, l'ecrin du printemps des Comédiens révèle nos propres contes de fées.

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Sylvie Lefrere.

Le printemps des comédiens au Domaine d'O de Montpellier du 4 au 30 juin 2013.

" Orlando" mise en scène de Guy Cassiers le 11 juin 2013

" Les revenants" mise en scène de Thomas Ostermeir le 11 et 12 juin 2013

 

 

 

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